Splitting Time. Installation cinématographique interactive


Splitting Time est un projet qui a bénéficié d’une aide au développement du Dicréam (CNC) ainsi que de la bourse Brouillon d’un rêve Art Numérique de la SCAM et est lauréat du dispositif La Fabrique 2015 du programme Aquitaine Cultures Connectées.

L’installation comprend 3 écrans à taille humaine, 3 dispositifs de vidéo-projection suspendus et un dispositif de diffusion sonore (5.1). Un ordinateur gère l’interactivité et la diffusion des 3 films HD synchronisés sur les 3 écrans.

Par défaut, si personne ne bouge dans chacune des 3 zones interactives, le spectateur peut suivre classiquement le déroulement du film dispatché sur les 3 écrans.

En agissant dans les zones interactives, les spectateurs modifient la perception du film et influent sur son sens. Ainsi, la plupart du temps, les trois personnages sont vus séparément (ils sont chacun sur un écran et un seul). Seule l’action du spectateur peut donc les réunir sur un même écran ou, au contraire, créer une tension et une situation dramatique particulière.

Modélisation de l’installation pour 3 écrans interactifs.

Le film inspiré du mythe d’Orphée et Eurydice se déroule sur trois écrans: un écran pour  Orphée, un autre pour  Eurydice, un troisième pour l’âme; ils sont toujours séparés, jamais ensemble sur le même écran (sauf par l’intervention du spectateur…). Sur le troisième écran apparaît une âme dansante, la doublure d’Eurydice incarnée par la danseuse I-Fang Lin.

 

Une abbaye cistercienne, des murs, des salles, des piliers, un parc, des arbres, un étang, deux femmes qui se perdent de vue et se cherchent sans jamais pouvoir se retrouver; dans leur dos, une présence mystérieuse qui complique leur rapprochement. À son corps défendant, le duo de jeunes femmes revit le drame d’Orphée et Eurydice et la terrible injonction des dieux qui oblige Orphée à conduire Eurydice hors des enfers sans jamais se retourner pour la regarder. Placées sous les auspices d’un mythe où l’acte du regard est l’enjeu même de la dramaturgie et prises au piège d’un jeu de cache-cache infernal, les jeunes femmes tentent désespérément de se rejoindre mais butent contre des courants contraires, des murs invisibles, des piliers et des arbres comme des papillons aveuglés par la lumière.

Orphée et Eurydice sont incarnés par deux comédiennes. Chacune est suivie comme son ombre par son double incarné par une seule et  même danseuse (I-Fang Lin).

S’inscrivant dans le sillage d’oeuvres de plasticiens mêlant vidéo, installation, performance, danse et travail sur la voix, l’installation Splitting Time est une proposition de cinéma interactif qui se déploie au travers d’un film se déroulant sur trois écrans. Elle instaure de facto une séparation et une distance entre les corps puisque jamais les protagonistes n’apparaîtront ensemble sur le même écran. Via l’interactivité, seul le spectateur aura le pouvoir de provoquer la rencontre (ou au contraire l’éloignement) de ceux que le dispositif et l’injonction des dieux ont mis à distance. Pour appréhender l’ensemble de la situation déployée simultanément sur les trois écrans, le spectateur est incité à circuler d’un écran à l’autre. Ce faisant, il traverse des zones interactives où ses
mouvements déclenchent des effets qui affectent autant les images que les sons. En cherchant à voir ceux qui sont ainsi séparés, il déclenche tantôt le rapprochement des protagonistes – l’apparition fantomatique de l’aimé- tantôt sa perte. De la même façon, par l’interactivité, il révèle un dialogue amoureux secret ou au contraire provoque la dispersion et l’éparpillement des voix en même temps que l’image de l’autre se trouble et devient floue. Le spectateur est donc convié, lui aussi, à sauver ou à perdre Eurydice. Il est invité, de la sorte, à éprouver la nature paradoxale, complexe et mystérieuse de cet espace qui, en définitive, s’apparente à celui de son propre espace intérieur.

 

 

 

# INTERACTIONS

Trois types d’interactions (qui évoluent au fil du déroulement du film) sont mis en oeuvre:
Interaction 1 : le mouvement d’un spectateur dans la zone interactive 1 provoque la surimpression de l’écran 1 avec l’écran 2. L’actrice A (écran 1) est ainsi en lien avec l’actrice B (écran 2) créant une situation inédite. Simultanément deux voix off se font entendre a cappella en se superposant. On dira que le spectateur réunit et fusionne les deux protagonistes séparés par la volonté des dieux et du dispositif. Le dispositif interactif de la zone 1 se situe au sol (tapis). Seule la présence du spectateur à un endroit précis peut réunir les deux protagonistes. “En étant là, à cet endroit, je vous permets d’être réunis”.


Interaction 2 : l’action d’un spectateur dans la zone interactive 2 rend de plus en plus floue l’image sur l’écran 2. Le spectateur fait ainsi disparaître l’un des protagonistes (écran 2). Si l’interaction 1 (surimpression) est activée en même temps que l’interaction 2 (flou de plus en plus flou), il y a donc surimpression d’un protagoniste avec une image évanouissante (écran 1 net quand écran 2 flou). Parallèlement, l’interaction agit sur la diffusion des voix off en n’en faisant entendre que des fragments aléatoires et disloqués . Le mouvement du spectateur dans l’espace de la zone interactive 2 agit dans l’intensité et la formalisation de ce flou (bruit dans l’image et zones de flou). “Je viens à vous, mais plus je m’approche plus vous êtes insaisissable, plus vous disparaissez !”


Interaction 3 : le mouvement d’un spectateur dans la zone interactive 3 provoque la «brûlure» progressive de l’image de l’ écran 3 en altérant simultanément la diffusion des voix. Il met ainsi en oeuvre la condamnation des dieux du mythe en créant une menace de disparition totale de l’image. Le dispositif interactif de la zone 3 se situe au sol (tapis). Seule la présence du spectateur à l’un de ces endroits précis peut précipiter les protagonistes dans les ténèbres. “Si je te regarde trop longtemps, je suis ébloui et tu disparais !”

Plusieurs types d’interactions sont mis en oeuvre. Chacune de ces interactions se réfère à une composante du mythe d’Orphée et Eurydice dont la présente pièce s’inspire:

  • Il ne faut jamais se regarder sous peine de faire disparaître l’autre.
  • À tout moment, les dieux peuvent exécuter leur menace et faire disparaître l’un ou l’autre des protagonistes.
  • D’une certaine façon, sans se regarder, par le pouvoir de la voix et la grâce d’une proximité mystérieuse, il est donné à Eurydice d’être avec Orphée…

Chaque spectateur devient le monteur du film dispatché sur les trois écrans et le chorégraphe de ses propres émotions. In fine, il s’agit de faire éprouver la nature paradoxale de cet espace qui n’est rien d’autre qu’une sorte d’espace intérieur ou d’espace mentale.

 

Par l’interactivité, ceux qui étaient séparés (Orphée et Eurydice, le corps et l’âme, le personnage et son décor…) sont de nouveau réunis.   Le même principe appliqué aux deux voix off (celle d’Orphée et celle d’Eurydice ) permet de faire entendre a capella un dialogue superposé.  Dés qu’un spectateur bouge le logiciel va piocher aléatoirement des répliques dans une base de dialogues.

 

 

Directeur de la photographie: Gérard Sergent

Assistante caméra: Barbara Hébrard

Lumières: Nicolas Pfeiffer

réalisateur: Patrick Hébrard

Orphée: Katia Grange

Eurydice: Aloysia Delahaut

L’âme: I-Fang Lin

Design interactif: Antoine Berr

Post production: Lalunela

Production: Marmita Films ( Emmanuel Quillet)

 

Merci à Hélène Bellanger Caperna, 24 Images (Farid Rezkallah), Nicolas Pfeiffer, Jacques Frézal, Fondation Prépart, Galileo Production, Barbara Hébrard, Hugo Hébrard, Luc Riolon, Alain Philippon, Nadine Mazet, Maryse et Régis Després,  Monique et Michel Gaudin, Scarlett Hales, David Schaffer…

Un grand merci à l’Abbaye de l’Epau,  au Conseil Général de la Sarthe qui a autorisé le tournage au sein de l’Abbaye, à la Mairie du Mans…