S’approchent les déserts. Vidéo-sculpture 10. 2014
Dans une zone désertique, un peu abstraite, un groupe de trois personnes s’approche : on ne sait pas précisément ce qu’il viennent faire dans cet endroit. Ils semblent marcher à la rencontre d’un autre groupe (qui ressemble étrangement au premier). Le lieu de cette rencontre est à la fois familier et étrange. Il renvoie à un paysage de mythe ou de tragédie grecque. Quoique apparemment proches les uns des autres, les membres du trio ne semblent pas se voir et se comportent comme s’ils se déplaçaient dans une sorte de labyrinthe invisible. S’approchent les déserts fonctionne comme une sorte de tableau vidéo. Une partie de l’image (la plus grande) est projetée sur une première plaque recouvrant partiellement la deuxième plaque située à environ 60 cm de la première. Cette deuxième plaque est peinte d’une couleur géranium. L’écart entre les plaques crée un espace (celui du hors-champ) qui conditionne la dramaturgie.
Un extrait de l’installation vidéo est visible ici: S’approchent les déserts Ce mode d’installation en niveaux décalés renvoie à la structure du labyrinthe (la forme invisible qui conditionne pour une grande part le jeu et le déplacement des acteurs du film). L’aplat de couleur monochrome vient à la place du hors-champ; il parle du silence et de l’absence. Le principe de cette mise en espace de l’image est de faire sentir les distances, les vastitudes qui séparent les corps censés être proches et occuper le même lieu, ainsi que l’infini complication (labyrinthique) d’un paysage désertique. C’est la puissance du mythe et de la tragédie grecque qui est convoquée par ce dispositif. Ici, la forme labyrinthique est l’expression plastique d’une sorte de damnation : des hommes ordinaires marchent dans un paysage familier qui se révèle être un désert archaïque et mythologique, un labyrinthe invisible conçu par des dieux vengeurs et dans lesquels les membres du groupe se perdent. Même la voix off qui se fait entendre à quelque chose d’une parole oraculaire ; une voix qui épaissit le mystère autant qu’elle l’éclaircit.
Un trouble s’installe progressivement, un certain flou entoure les actions et les intentions des protagonistes. Ils se mettent à chercher la femme du trio comme si elle avait disparu, comme si elle n’était pas là au milieu d’eux, comme si elle se trouvait perdue de l’autre côté d’une paroi invisible! Cet étrange sentiment de l’espace et la sensation de la proximité d’un monde parallèle, perturbe de plus en plus les protagonistes. Le trouble se concentre autour de la figure de la femme qui semble, tout à la fois, appartenir à ce groupe et s’en distinguer d’une façon que le film va tenter d’expliciter. Qui est cette femme ? De quel trouble est-elle la messagère secrète et involontaire ? Est-elle vraiment là ou n’est-elle qu’un mirage vers quoi les autres s’avancent sans jamais pouvoir le rencontrer?
Directeur de la photographie: Gérard Sergent Assistante caméra; Barbara Hébrard Réalisation: Patrick Hébrard avec: Katia Grange, Thiérry Delhomme, Fröde Bjornstad |